Préparer l'avenir ce n'est que fonder le présent.
Il n'est jamais que du présent à mettre en ordre.
L'avenir, tu n'as point à le prévoir mais à le permettre.

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Décision intégrale - interview de Robert Josef Stadler

Ordinata propose désormais un "workshop décisionnel" réunissant vos décideurs habituels pour améliorer vos prises de décision collectives. Nous déployons dans ce cadre la notion de "décision intégrale", que nous présente son concepteur.

Robert Josef Stadler est un ingénieur suisse à la retraite, ancien patron d'entreprise et de startups, parmi lesquelles foryouandyourcustomers, une entreprise suisse au rayonnement international intégrant des méthodes de management novatrices et stimulantes. Il est aussi fondateur de la série bisannuelle de congrès lancés en 2005 sur le thème de l'"Integral Management" et auteur du livre "Paid Work and the Meaning of Life" (2022).

Au fil des années, Robert Josef Stadler a créé et perfectionné son "modèle intégral", très inspirant pour la prise de décision. Il observe que nous optons généralement pour l'un de ces quatre modes de décision:

- la décision émotionnelle, qui est prise "en écoutant ses tripes" (mais attention, nos tripes peuvent nous tromper !)

- la décision égoïste, qui répond à la question : "Est-ce que cela fait sens pour moi ?" (mais où est le sens pour les autres ?)

- la décision basée sur des faits, qui s'appuie sur les chiffres et faits du passé et sur une vision du futur fondée sur les chiffres et faits du passé (mais attention, les optimistes et les pessimistes se basent sur les mêmes chiffres !)

- la décision altruiste, qui répond à la question : "Est-ce que les autres l'apprécient ?" (ce qui est à prendre en considération, mais sans que cela ne devienne dominant).

Le fait d'opter exclusivement pour l'un de ces quatre modes de décision rend la décision lacunaire. Seule une décision qui intègre à la fois les faits, le sens qu'elle peut avoir pour moi et pour autrui, nos émotions et le bien qu'elle peut faire à l'autre, est complète et peut se targuer d'avoir réalisé une approche globale : il l'appelle une "décision intégrale".

Pour parvenir à une décision intégrale, Robert Josef Stadler nous invite à répondre à ces quatre questions :

1. Qu'est-ce que j'en pense, qu'est-ce que je ressens ?
2. Est-ce que cela fait sens pour moi ?
3. Est-ce que cela fait sens pour nous ? Est-ce la bonne chose à faire ?
4. Que dit ma conscience : est-ce bien pour tous ?


Ce processus de décision intégrale prend du temps, nécessite de la réflexion, du silence, un dialogue nourri. Il convient dès lors de le réserver aux décisions vitales et stratégiques, comme le prévoit la méthodologie de la dynamique participative, qui se révèle être particulièrement utile pour prendre des décisions intégrales.

Robert Josef Stadler répond à nos questions.

Quels avantages voyez-vous à prendre des décisions intégrales ?

"Une décision intégrale s’appuie sur une analyse réfléchie d'une situation, en tenant compte de la maturité des personnes impliquées et de leur expérience d'apprentissage consciemment ou inconsciemment recherchée, du contexte, et de la certitude qu'une décision représente une réaction. Cette réaction se produit au cours du processus de maturation de la personne qui prend la décision, ce qui fait que les jugements rapides sur le bien-fondé des décisions peuvent s'avérer erronés un peu plus tard.

"Une décision intégrale est pesée de manière complète, elle n'est donc ni bonne ni mauvaise, ni juste ni fausse. Elle est parfois meilleure ou pire pour l'individu ou pour le collectif et parfois pour les deux. La clarté objective d'une décision intégrale est un résultat partiel qui dépend en outre du point de vue de l'observateur. Si l'on s'efforce de prendre une décision réfléchie, le résultat sera plus réussi et probablement plus agréable avec le recul. Les avantages de la pensée lente ont été merveilleusement décrits par Daniel Kahneman dans son livre Système 1, Système 2 : les deux vitesses de la pensée.

"La question me rappelle une anecdote russe. Dans un petit village russe, les jeunes hommes étaient enrôlés dans l'armée pour faire la guerre. Lorsque le fils d'un paysan de ce village a été mobilisé, il est tombé de cheval et s'est cassé une jambe, ce qui l'a empêché de partir à la guerre. Les voisins du fermier vinrent le voir et lui exprimèrent leur regret que son fils se soit blessé et ne puisse pas aller à la guerre. Le paysan répondit calmement : 'Qui sait à quoi cela servira ?'.
"Le temps de la guerre passa et les jeunes hommes rentrèrent chez eux. La plupart d'entre eux avaient été blessés et avaient subi de terribles traumatismes. Beaucoup étaient handicapés pour le reste de leur vie.
Les voisins revinrent voir le fermier et le félicitèrent pour le fait que son fils n'était pas parti à la guerre et qu'il était rentré sain et sauf. Le paysan répondit à nouveau : 'Qui sait à quoi cela servira ?'. D'autres événements suivirent, avec toujours la réponse du paysan : 'Qui sait à quoi cela servira ?'.

"La morale de cette histoire est que parfois, on ne peut pas comprendre immédiatement les conséquences des événements et que des malheurs apparents peuvent se révéler être des avantages. La vie est une histoire de patience et de sagesse face aux impondérables de la vie."


À quoi faut-il faire particulièrement attention lorsqu'on prend une décision intégrale ?

"Les décisions sont des réactions. Consciemment ou inconsciemment, elles sont une interprétation inévitable du passé, y compris des attentes qui en sont issues. La vision extérieure [les questions 3 et 4 d'une décision intégrale, voir ci-dessus] soutient la vision intérieure [questions 1 et 2] pour la réflexion dans la contemplation. Et dans la contemplation, nous nous éloignons de notre propre réalité et disposons, avec un peu de pratique, d'un accès à la réalité."

Propos recueillis par Stefan Merckelbach.
En savoir plus sur le workshop décisionnel.

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